Le
recours à la psychanalyse entre de plus en plus dans les mœurs. Doit-on le déplorer ? La réponse ne diffère pas tellement,
que l’on se penche d’un point de vue médical sur la question ou
qu’on aborde le problème avec un regard résolument sociologique.
La
médecine précise que près de la moitié des consultations concerne
des troubles psychologiques. Quant à la société pratiquant et
proposant de l’étayage à tout va, elle favorise, en grande partie,
des comportements complexes qui recherchent le plaisir à n’importe
quel prix ; cette quête insatiable du bonheur entraîne des
exigences sans réel fondement, exigences qui aboutissent à la
déception puisque le résultat attendu n’est quasiment jamais atteint…
Un malaise certain
Par
les sondages largement diffusés dans la presse people et savamment distillés dans une presse dite féminine, l’individu
finit par se croire a-normal ! Effectivement, les recettes
du bonheur qui y sont abordées apparaissent habilement construites
car, pour la plupart, élaborées à partir de sortes de statistiques
à faire frémir. En règle générale, le thème de la sexualité sert
de prétexte alléchant et les tests publiés renvoient à des pseudoclassifications
qui ont de quoi déstabiliser les profils les moins convaincus !
Ainsi,
les questions, pas toujours bonnes et peu justifiées, fusent-elles.
Puisque, à en croire certains sondages, à moins de trois orgasmes
par semaine, on ne rentre plus dans la catégorie Française
moyenne, autant dire que le secours d’urgence au gynécologue
s’impose ! Ces professionnels le disent d’ailleurs souvent :
certaines émissions de télévision ciblées entraînent un surcroît
de demande de rendez-vous inutiles…
Mais
le malaise finit par gagner l’être humain, victime de médias qui
se délectent – et qui arnaquent – à coups de sensationnel. Et
le malaise installé, un certain déséquilibre se fait sentir au
point de demander de l’aide aux spécialistes de la psyché.
En
d’autres termes, tout cela est-il bien raisonnable ? Il apparaît,
quoi qu’il en soit, très difficile de trancher et de faire la
part des choses puisque, de toute façon, s’il y a un lectorat
suffisant pour des tests dits psychologiques, on peut admettre
sans hésitation que les profils attirés par lesdits tests transcrivent
quelques fragilités, cas auquel l’article n’aura jamais été qu’un
vecteur, voire un prétexte salvateur pour se retrouver sur le
divan…
La psychanalyse, c’est pour qui ?
En fait, il existe schématiquement deux sortes de patients :
soit l’analysant qui souffre d’un symptôme invalidant et là, le
champ est vaste, qu’il s’agisse de situations négatives qui compulsent,
c’est-à-dire qui se répètent en apparence malgré soi, soit de
processus phobiques, soit de conduites autodestructrices, soit
de pathologies lourdes type cancer etc ; l’autre profil d’analysant
est, quant à lui, un individu qui se fait de l’analyse – à juste
titre d’ailleurs – une idée plus préventive que dans les exemples
précédents qui s’inscrivent dans une démarche plus curative ;
effectivement, la psychanalyse se positionne, avant tout,
dans une dynamique de confort dans la mesure où cette
discipline ne va rien changer aux événements fondamentaux de l’existence
que nous avons à vivre ; mais elle va permettre de traverser
les situations difficiles plus aisément, sans entraîner de régression
de type dépression, ou mélancolie, car l’obstacle est abordé en
terme de sens ; cette approche de l’existence permettra progressivement
à l’inconscient de libérer la voie juste, sans complaisance, ni victimisation. Cependant, quelle que soit la raison
de la demande initiale de ce parcours pas comme les autres, cette
démarche aboutit à une réelle et salvatrice connaissance de soi.
Ce lieu d’écoute singulier, s’il permet de se sentir soulagé,
apporte essentiellement la mise en place d’une opportunité majeure :
l’apprentissage régulier, au fur et à mesure du déroulement des
séances, de la distance ; or, prendre du recul par rapport
à toute situation offre le grand avantage d’apprivoiser la différence
et avec elle, l’arrêt de toute recherche de conflictualisation.
Cette
modification de comportement engendre un dénouement heureux, à
savoir la fin de la rivalité qui n’a jamais que pour résultat
de se battre inutilement pour une place qui n’est pas la sienne.
A ce stade, accuser l’autre de ses erreurs s’avère sans intérêt
et le patient d’admettre et d’accepter qu’il est seul maître à
bord. Ainsi, d’avoir été écouté et compris pendant des mois, des
années, par un psychanalyste, conduit nécessairement à l’écoute
et à la compréhension des autres. De fait, si comme l’a dit Lacan, toute analyse est didactique, reconnaissons que
toute analyse est surtout courageuse ; c’est d'ailleurs pour cette raison
que cette direction exigeante situe et engage. Mais
encore, la psychanalyse, c’est pour qui ? La discipline freudienne
s’adresse tout simplement à chaque individu qui prend conscience,
un jour, que l’auto-maltraitance n’a rien d’héroïque.
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